Faire vivre nos églises

Jeudi 15 décembre 2016, par SC // Monseigneur Laurent Camiade

Le département du Lot comprend 362 communes. Deux-cent-vingt-neuf d’entre elles ont moins de 300 habitants. Avant le regroupement, quelque quatre cents paroisses composaient le diocèse de Cahors, animées dans six cents églises et chapelles réparties sur tout le territoire. Beaucoup d’entre elles sont aujourd’hui fermées. Faut-il davantage les ouvrir (et dans quelles conditions) ou les laisser fermées à cause de la déchristianisation, du manque de prêtres et par mesure de sécurité ? Quel est le devenir des édifices catholiques dans le Lot ?

La Vie Quercinoise
André Décup

Entretien avec Mgr Laurent Camiade, évêque de Cahors.

Pourquoi tout près de chez nous, tant d’églises sont fermées ?

Au niveau national, dans les 93 diocèses de France, sur les 42 258 églises et chapelles qui existent sur notre territoire, 140 églises communales et 137 églises diocésaines ont été désaffectées depuis 1905, (loi de séparation de l’Église et de l’État). Soit 277 églises qui ont été fermées définitivement en 110 années, en sachant que, durant cette même période, 1 800 nouvelles églises ont été construites. La majorité des églises fermées en France comme dans le Lot ne le sont pas définitivement. Dans le diocèse, nous avons actuellement, 42 prêtres en activité et le Lot comprend plus de 300 communes. La réalité vécue chez nous est celle répandue sur le territoire français. Notre département est rural avec une population concentrée principalement sur les villes. Même s’il y a des aller-retours, les populations des campagnes diminuent. Et l’implantation de nos églises ne correspond plus aux besoins actuels. On a beaucoup d’églises où il y a peu de monde et on a peu d’églises où il y a beaucoup de monde. Chez nous, nous avons trop d’églises et nous n’arrivons pas toujours à bien les habiter.

Peut-on aller jusqu’à l’abandon d’une église ?

Une petite chapelle qui architecturalement n’a aucune originalité, peut-être ne faut-il pas, coûte que coûte, la sauvegarder, si elle ne représente aucune valeur spécifique et surtout si personne ne vient prier à l’intérieur. Avant d’en arriver là, très souvent, la commune, les associations, des bénévoles sont en éveil et se motivent pour éviter sa dégradation. Au sein du village, l’église représente son identité (souvent la seule). Aussi, le maire fera, financièrement, tout son possible pour revaloriser son unique patrimoine.

Comment faire vivre nos petites communautés rurales dispersées ?

C’est un sujet qui a été approfondi lors d’une rencontre des évêques de la province de Toulouse. Il faut d’abord faire la distinction entre les communautés. Si, dans le village, une communauté vivante existe avec plusieurs personnes qui agissent pour favoriser une vie chrétienne locale, l’église peut, alors, être un lieu de prières, même s’il n’y a pas souvent la messe. Cette réalité-là donne un sens à l’église-bâtiment. Elle est un lieu d’animation pour ces personnes qui veulent vivre une vie chrétienne, pas seulement pour prier, mais aussi attentives à la charité du Christ, ouvertes, par exemple, aux personnes seules et aux pauvres, vivant proches de cette communauté chrétienne.

Mais encore ?

Il faudrait toujours, ne serait-ce qu’une fois par mois, ou pendant le mois de Marie ou le temps de Noël autour de la crèche ou pour un chemin de croix de carême, qu’il y ait des chrétiens qui viennent prier, même sans un prêtre présent. On peut sonner les cloches car peut-être quelqu’un qu’on n’a pas pensé à inviter ou qui est de passage viendra. C’est cela jeter les filets de l’autre côté, comme le demande Jésus aux disciples ! Puis on relit l’Évangile du dimanche et on prend le temps d’échanger sur les soucis du village, de prier pour les personnes malades autour de nous, pour les jeunes que nous connaissons qui passent des examens ou pour les intentions du secteur paroissial. Ce n’est pas compliqué de prendre ainsi vingt minutes dans la semaine pour se retrouver même à 2 ou 3 chrétiens pour que l’église du village reste un lieu de vie !

Et si la communauté chrétienne est inexistante ?

Si dans le village, il n’y a plus de communauté chrétienne, avec très peu de pratiquants et sans responsable, l’église est juste un lieu de patrimoine et d’histoire. Elle sera un lieu de célébrations des funérailles et peut-être les gens auront du plaisir à y revenir pour une fête particulière : l’église devient un lieu de rencontres.

Quelle est l’approche de l’Église du Lot, pour les décennies à venir, dans ce domaine ?

Il ne peut pas, aujourd’hui y avoir une messe chaque dimanche dans toutes nos petites églises du diocèse. Même si les prêtres le pouvaient, je crains qu’il n’y ait pas de grandes assemblées et c’est encore plus décourageant de se retrouver à 5 ou 6, même si le territoire était couvert. Il vaut mieux se rassembler habituellement le dimanche dans des lieux accessibles au plus grand nombre. Mais ce n’est pas une raison pour abandonner nos petites églises. En fermer une ou la désaffecter est toujours une décision difficile à prendre. Mais il ne faut pas majorer le problème. Mon souci, en tant qu’évêque, c’est de sauvegarder la vitalité de la vie chrétienne locale. S’il y a une vie chrétienne, l’église est habitée.

Monseigneur Laurent Camiade
Évêque de Cahors

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